5 février 2015

Monstres, machines et héros


The Imitation Game, donné favori des Oscars depuis son passage remarqué au festival de Toronto, est un biopic retraçant l'histoire du père de l'intelligence artificielle, Alan Turing (Benedict Cumberbatch), génie homosexuel qui permit aux Alliés de décoder la machine nazie Enigma, et  de ce fait la victoire du bien sur le mal. Un travail pour lequel il ne sera jamais remercié de son vivant.

Le film reprend donc des thèmes auxquels nous sommes habitués, et un thème d'actualité : l'intelligence artificielle. On retiendra particulièrement la scène d'interrogatoire de Turing, qui met en avant le problème posé par le qualificatif qu'on pourrait employer pour décrire la machine qu'à construit le génie anglais, et qui peut s'appliquer à lui-même : "Am I a machine ? Am I a war hero ? Am I a criminal ?"

De même, le personnage joué par Keira Knightley permet autant d'amener une dimension féministe au film que de rendre Alan Turing plus humain, à nous en émouvoir jusqu'aux larmes (la scène de fin m'a été fatale). Et si l'actrice joue comme elle en a l'habitude, d'autres tirent leur épingle...du jeu, justement. Je veux parler de Matthew Goode et Allen Leech, impeccables, de même que Charles papa-Lannister Dance. Mais aussi, évidemment, de Benedict Cumberbatch. Si sa performance ne bluffera pas tout de suite les fans de Sherlock, habitués à le voir dans le rôle d'un génie antipathique, la seconde partie du film aura de quoi combler tout le monde. L'acteur prouve qu'il peut amener une sensibilité infinie à son personnage. Tout est juste, sans trop en faire, avec ce talent et cette retenue qu'on retrouve chez beaucoup d'acteurs british. 

Ensuite, si l'on peu reconnaître une qualité principale à ce film, c'est qu'il nous fait oublier pendant les trois quarts de sa durée que l'on regarde un biopic. En effet, on se croirait dans un thriller, et on se laisse volontiers embarqué dans la course à la montre menée par cette équipe anglaise de choc. Le rythme est soutenu, de même que notre attention. 

Cependant, ce n'est pas un sans faute, car The Imitation Game tombe dans le piège habituel des biopics bien propres sur eux. Ce besoin de finir sur un faux happy end pour ne pas choquer, avec, ensuite, sur fond d'images montrant un feu de joie plein d'allégresse, la véritable fin écrite sur l'écran. En effet, c'est le cas pour presque tous les films de ce genre. Mais est-ce vraiment nécessaire ? Ne peut-on pas prendre cinq minutes de plus pour montrer les choses (ce qui est quand même le propre du cinéma) ? 

Ce petit bémol fait ressortir de la salle avec un goût amer, alors que tout avait si bien commencé. Le film est rempli d'émotions, sans pour autant basculer dans le pathétique, mais cette ode à la différence  aurait été beaucoup plus poignante si l'on avait terminé sur le suicide de Turing. Certes, cela aurait été très triste et choquant. Mais cela aurait été tant mieux. Parce que faire un biopic sur ce personnage hors norme, le sortir de l'ombre, vouloir faire valoir ses droits mais ne pas assumer sa fin tragique, c'est refuser d'aller jusqu'au bout.

3 commentaires :

Charlie a dit…

J'avais déjà (très) envie de le voir mais là ça atteint des sommets!! :)
Les fins sont souvent décevante je trouve... (celle d'Interstellar que j'ai vu y a pas longtemps par exemple)
Keep Going girl c'est un plaisir de te lire ^3^

Charlie a dit…

J'avais déjà (très) envie de le voir mais là ça atteint des sommets!! :)
Les fins sont souvent décevante je trouve... (celle d'Interstellar que j'ai vu y a pas longtemps par exemple)
Keep Going girl c'est un plaisir de te lire ^3^

@FleursDuSpleen a dit…

J'ai exactement le même avis que toi sur le film. Ce côté biopic conventionnel et bien propre sur lui, qu'est-ce qu'on se le prend en pleine poire à la fin du film ! Cette volonté de faire un joli happy end et de consacrer Turing en tant que grand homme au Panthéon britannique (il l'est, c'est indéniable, mais...) masque le côté plus sombre de sa vie, comme s'il ne fallait pas trop rappeler que c'est quand même la justice britannique qui a conduit à son suicide... C'est vraiment dommage, parce que comme tu l'as dis, le film se démarque tellement avec ses traits de thriller haletant.
Je ne sais pas toi, mais au début, je me suis dit "tiens, Benedict nous recrache un Sherlock un peu plus irritant" mais ouf, ce n'est pas le cas et tant mieux, parce que Benny livre vraiment un très très belle performance.
Les allers/retours dans le passé m'ont un peu chagriné, c'était une peu inutile, j'ai trouvé, juste là pour nous rappeler que c'est un biopic et donner un plus d'émotion.
Bref, ça reste un très beau film (qui sent quand même le film à Oscar à plein nez que ça pique parfois les yeux) malgré quelques points un plus négatifs.
Je dirais seulement (blague de mauvais goût coucou) HEIL ALEXANDRE DESPLAT et ses doigts de fée sur un piano.