5 mai 2016

Game of Thrones : retour de flamme ?

Cher petit corbeau qui passe par ici, si tu n'as pas vu les deux premiers épisodes de la saison 6, je te conseille de passer ton chemin et de revenir quand ce sera le cas. De même, si tu prévois de lire les merveilleux livres de GRRM (je conseille la VO si c'est possible), l'article qui suit contient des citations sorties de ces livres ainsi que la véritée vraie sur ce qui aurait dû se passer pour certains personnages selon ces mêmes livres. Si tu veux que le mystère reste entier pendant ta lecture, enregistre ce lien quelque part et reviens plus tard !


Lannister un jour Lannister toujours ? 


En ce début de saison, Jaime et Cersei se retrouvent, pour enterrer de nouveau un de leurs enfants. Entre temps, Cersei a connu une épreuve traumatisante face à toute la ville réunie pour la huer, la haïr plus que jamais. Certes, le meurtre de leur fille peut occulter ce qu'ils ont vécu entre temps, mais il aurait peut-être été judicieux de nous montrer la réaction de Jaime autrement qu'à travers son entretien avec le High Sparrow lors de l'épisode 2. 




Cela pour en venir au fait : on a le sentiment que finalement, le personnage de Jaime n'a pas évolué, comme on aurait pu le penser avec la merveilleuse troisième saison, mais qu'au contraire, il n'a cessé depuis de faire du sur-place. Quid de son chemin parcouru grâce, notamment, à sa relation avec Brienne. Quid aussi de la confession de Tyrion juste avant son évasion sur les amants de Cersei (Lancel, les frères Potaunoir et Taena, notamment dans les livres, au moins Lancel dans la série), qui aura pour conséquence de finir d'effriter la relation des jumeaux incestueux.

Car en plus de son chemin personnel pour trouver la rédemption en tenant les promesses faites à Catelyn Stark (notamment celles de récupérer ses filles et ne plus jamais prendre les armes contre les Tully ou les Stark), Jaime entreprend un travail sur sa relation avec sa soeur. A son retour de captivité, il la dégoûte : il est devenu manchot, incomplet, il n'est plus son reflet exact, sa moitié parfaite. Un premier mur s'érige entre eux. 

Le deuxième mur est la perte de Joffrey (Jaime arrive juste après, dans les livres). Puis, au terme d'une discussion échaudée dans les cachots juste avant l'évasion de Tyrion,ce dernier parle à Jaime des amants de sa soeur. Cela va finir d'ancrer le doute dans l'esprit de Jaime : lui, n'aime qu'elle, mais Cersei l'aime t-elle vraiment ? Cela va amener à une prise de distance entre les deux Lannister, et va mener au départ de Jaime pour Riverrun, afin de rencontrer les derniers Tully qui mènent la vie dure aux Frey là-bas. Sur le chemin, il rencontrera son cousinet Lancel, qui lui fera part de ses péchés...boum, dernier mur (l'espoir est encore permis pour que cela arrive dans la série, d'ailleurs...). 

Nos deux tourteraux incestueux sont donc séparés. Et Cersei, qui vient d'être arrêtée par les Moineaux, a besoin de l'aide de son frère. Elle lui fait donc parvenir une lettre, disant ceci : 


"Come at once she said. Help me. Save me. I need you now as I have never needed you before. I love you. I love you. I love you. Come at once."

Ce qui est le plus intéressant selon moi et ce qui permet de comprendre le chemin parcouru par le personnage de Jaime, c'est sa réaction face à cette demande pressante, cette déclaration d'amour :

"Does my lord wish to answer ?" the maester asked, after a long silence.
A snowflakes landed on the letter. As it melted, the ink began to blur. Jaime rolled the parchment up again as tight as one hand would allow, and handed it to Peck. (son écuyer)
"No", he said. "Put this in the fire".

BIM dernier mur. Par ce geste Jaime enterre son amour pour Cersei. Il finit son évolution de guerrier amoureux transi et violent vers un homme qui a vécu beaucoup d'épreuves et en est ressorti mûri, plus fort et plus sage. Il est prêt a aller de l'avant et Cersei représente son passé. 

Voilà pourquoi il est difficile de pardonner à la série le manque d'évolution des personnages. Il est normal de ne pas pouvoir faire un copier/coller des livres, et de devoir parfois changer de direction. Mais encore faudrait-il que ces changements assurent une certaine cohérence, des évolutions pour les personnages et les intrigues, sinon la série ne fait pas son boulot. 

Sortir des magnifiques sentiers tracés par GRRM ressemble alors à une erreur de taille. Peut-être aurait-il fallu ne pas céder aux sirènes du succès et de l'argent pour assurer au public un plaisir continu, puis-qu’après tout les lecteurs ne sont pas les seuls à ressentir les manques. Les séries sont devenues un art, la télévision un médium synonyme de qualité (ce dont se targue d'ailleurs HBO), et il est donc un peu trop tard pour traiter son public comme des endives alors que ce public est devenu spécialiste et exigeant.

Le naufrage de Dorne


La saison dernière déjà, les lecteurs s’arrachaient les cheveux devant le massacre de l'arc narratif se déroulant à Dorne. Jaime là-bas ? Une histoire d'amour d'adolescents ? Des Sand Snakes hypersexualisées ? Une Ellaria vengeresse ? Pas d'Ariane et de Quentyn Martell ??? Bref, de quoi vraiment s'énerver sur les choix d'adaptation de D&D, les producteurs ainsi que de leurs scénariste. L'absence de GRRM se faisait plus que jamais ressentir. 

Après avoir détruit ces personnages et leur histoire, la séquence très violente de l'épisode 1 vient achever le massacre. On a l'impression que faute de savoir quoi faire de Dorne (car on n'a pas introduit les personnages importants pour son développement très important pour le futur de Westeros), ces meurtres successifs viennent enterrer cet arc : on ne sait plus quoi faire, allez un peu de sang et on remballe (ah et apparemment Obara et Nym peuvent voler ? Sinon il faudra nous expliquer comment, après être restées à quai elles peuvent avoir atterri dans le bâteau où se trouve Trystane qui par un heureux hasard ne se trouvait pas sur le même que Jaime et Myrcella...Parleras t-on de la disparition soudaine de Bronn ? Noyé en mer ? Il s'est perdu dans le bâteau ? Il est parti retrouvé Tyrion à la nage ?)

En plus d'être incohérente et un peu trop facile, cette séquence va à l'encontre du personnage d'Ellaria (qui est loin d'être le seul personnage victime des scénaristes qui les transforment au gré de leurs envies). Dans A Dance with Dragons, Cersei envoi à la famille Martell le corps supposé de Gregor Clegane. Ce qui donne lieu à une scène où la famille Martell et les huit Sand Snakes ainsi qu'Ellaria se réunissent autour du squelette. Petite citation pour vous situer la position d'Ellaria sur la suite des événements : 

[Obara] gave the skull a mocking kiss. "This is a start, I'll grant".
"A start ?" said Ellaria Sand, incredulous. "Gods forbid. I would it were a finish. Tywin Lannister is dead. So are Robert Baratheon, Amory Lorch, and now Gregor Clegane, all those who had a hand in murdering Elia and her children. [...] Who else is there to kill ? Do Myrcella and Tommen need to die so the shades of Rhaenys and Aegon can be at rest ? Where does it end ?" - A Dance with Dragons, "The Watcher". 
Même après avoir perdu son amant, son amour, Ellaria reste un personnage qui oeuvre pour la paix. Ses rapports avec le prince Doran sont loins d'être aussi remplis de haine. Ainsi, après que les quatre aînées des Sand Snakes prennent le parti de la guerre, on peut lire :
"Ellaria turned to the prince. "I can hear no more of this".
"Go back to your girls Ellaria" the prince told her. 'I swear to you, no harm will come to them"
"My prince." Ellaria kissed him on the brow and took her leave. Areo Hotah was sad to see her go. She is a good woman. " 
Nous sommes donc très loin du débordement de violence, de sang de la série. Mais de plus, nous sommes loin d'un personnage calme, réfléchi et mûr. Dans la série, Ellaria se comporte comme une adolescente en crise, vengeresse jusqu'au plus profond de son être, perfide et loin d'être sympathique. La vengeance appartient aux Sand Snakes, et cela aurait dû être suffisant. La suppression d'un personnage pacificateur donne l'impression que, dans la série, il n'y a pas de place pour un certain entre-deux, il n'y a que la violence qui vaille la peine d'être montrée. 

Il ne s'agit évidemment pas de l'unique scène violente depuis la reprise. Cette violence est devenue une marque de fabrique, un argument de vente, dans Game of Thrones comme dans bien d'autres séries depuis. 

Au départ, c'était quelque chose de légitime utilisé pour rendre compte de l'intrigue et du monde dépeint par GRRM, puis, avec le succès de la série, on succombe à la facilité de la violence pour l'audience, pour choquer un spectateur qui s'habitue, donc on en rajoute, on se tourne vers l'excès, on tue à tout va pour se rassurer et se dire que oui, c'est ce que le public veut. Un rapport malsain s'installe entre les deux. Eux (HBO, les scénaristes, les producteurs), sacrifient sur l'autel de leur orgueil des personnages, des intrigues, de la cohérence pour du spectacle. Nous, nous y laissons en quelque sorte notre morale. Nous sommes des voyeurs avide de l'horreur qui se déroule sur nos écrans, et qui fait toujours débat.

Dans son livre La géopolitique des séries, Dominique Moïsi s'interroge sur cette fascination pour la violence et le sexe dans les séries. Il avance que ce serait notre appréhension du futur qui nous rendrait fascinés par cet univers Moyen-Ageux qui nous renvoi en fait à notre propre situation : NOUS sommes le moyen-âge.  Game of Thrones traduirait le triomphe de la peur sur la raison. 

Selon lui, on pourrait aussi parler d'une forme d'exorcisme : notre immersion dans la violence de la fiction serait un moyen pour nous d'occulter celle de notre monde, un moyen pour nous de dire que rien ne pourra jamais être aussi violent que cela, de toute façon. 
"Alors que nous tournions pudiquement -il serait plus juste de dire lâchement - nos yeux pour ne pas affronter la réalité syrienne, nous sommes littéralement dans un processus de sidération face aux péripéties les plus sanglantes de Game of Thrones. Tout se passe comme si plus nous fermions les yeux sur la réalité de la violence au Moyen-Orient, plus nous les ouvrions sur les violences de la fiction." (page 66)


Un problème de temporalité ? 


En effet, le premier épisode donne le sentiment que pour les personnages, un an s'est également écoulé depuis les événements de la fin de la saison 5, leur permettant un certain recul, comme pour le spectateur...mais ce n'est pas le cas et la saison 6 reprend là où on les avait laissés, causant un certain désarroi et pas mal de frustration. 

Par exemple, Davos, chevalier loyal, vouant un amour inconditionnel à Stannis, sa fille, sa cause...qui oublie tout au profit de Jon Snow. Une dévotion admirable pour celui que Stannis respectait, mais un petit rappel de tout ce qu'il a perdu aurait été sympathique. Cependant, force est de reconnaître que, lors du premier épisode, les scènes se déroulant au Mur, avec la forte présence de ser Davos qui avait jusque là été sous-exploité ont été les plus agréables à suivre. Peut-être que le seul point positif de la mort prématurée de Stannis dans la série est que cela aura permis de laisser le champ libre à son meilleur conseiller et ami. 

Au delà de ça, on peut se demander à quoi jouent les scénaristes. Ramsey est un monstre sans coeur, alors pourquoi nous laisser croire qu'il pourrait éprouver du chagrin (même si cela es temporaire) pour quelqu'un ? Cela va dans la continuité du problème posé par le fait de lui avoir donné une "relation" stable. Ce qui est particulièrement gênant, c'est qu'il semble avoir plus de temps pour faire son deuil qu'un personnage au coeur grand et loyal comme Davo. Une humanisation gênante d'un personnage qui est loin d'être humain. Cela sera rattrapé par les événements du deuxième épisode : le meurtre de son père, même si loin d'être canon dans les livres, semble logique et toutes les scènes entre Roose et Ramsey semblaient tendre vers cet instant. Encore une fois, on assiste à un déversement de violence, mais ici, cela correspond au personnage et sa ligne de conduite, et permet de rappeler qui est VRAIMENT Ramsey.

Ensuite, nous avons parlé un peu plus haut du fait que Jaime fait du sur-place, mais Daenerys repart en arrière. Sa storyline est conforme aux livres, mais dans les deux cas, sa situation est très frustrante quant à l'évolution du parcours de la Mère des Dragons. Est-ce que cela serait un moyen de nous signifier son échec inévitable ? Dans les livres, cela serait probable. Mais comme c'est un personnage bien aimé et toujours mis en avant dans la série, le doute est permis...

Mais elle n'est pas la seule à bénéficier d'un traitement de faveur. Le public adore Tyrion, certes, mais les scénaristes de la série également au point que la place donnée au nain dans la série commence à friser le ridicule. Wahoo, il boit et il fait des blagues, il rend visite à des dragons qui ne laissent même pas leur Mère approcher et réussit à être toujours le plus intelligent et à tout réussir. Où est le Tyrion alcoolique, détruit, dépressif des livres ? Celui qui est loin de vivre sereinement à Meereen, celui qui est vendu comme esclave, qui endure épreuves après épreuves. Pourquoi lui simplifier la tâche à ce point quand on la rend si difficile à des personnages comme Sansa et Theon ? Cela donne un goût amer d'injustice. On ne peut pas vraiment apprécier sa storyline sans penser à ce qu'elle aurait dû être et sans se demander POURQUOI. Le gros point positif est la présence de Varys a ses côtés : leur relation est l'une des plus intéressantes. Il serait donc agréable que la présence de l'eunuque ne soit pas juste un prétexte pour des blagues mais qu'il ait vraiment son rôle à jouer dans la survie de Meereen. 

Pendant ce temps là, Arya fait du sur-place, on nous fait la promesse d'un arc consacré aux îles de Fer ( en espérant qu'il ne connaisse pas le même sort que Dorne), et Bran revient pour nous donner des visions du passé et du futur. La première était très alléchante, mais pas autant que celle de la semaine prochaine : la tour de la joie, où, avec un peu de chance, nous apprendrons l'identité des parents de Jon Snow. 

Le cas Sansa Stark  le personnage le plus maltraité par la série


Rappelons qu'au lieu de gambader dans la neige avec Theon, Sansa devrait se trouver dans le Val d'Arryn, a apprendre, en sécurité, à jouer le jeu des trônes, à devenir une femme influente qui comprend la politique de Westeros grâce à son "mentor" Littlefinger. Elle vit un temps d'apaisement sous l'identité d'Alayne Stone, bâtarde de Petyr Baelish. 

Ici, après avoir passé une saison 4 a devenir une jeune femme sûre d'elle , Sansa avait été renvoyée d'un gros coup de pied à son statut de victime (ce que beaucoup de spectateurs lui reprochent d'ailleurs...mais c'est un autre débat et si vous faîtes parti de ces gens là, remettez vous un peu en question) en se voyant mariée à l'infâme Ramsey Snow (violée, battue, menacée...bref, un King's Landing bis). 

En plus de rabaisser le personnage, cela a également pour conséquence de ne plus faire de Winterfell un lieu sûr, un refuge possible, une maison pour Sansa, mais bien un énième lieu de torture souillé par les perfidies des Bolton. Pourquoi alors devrait-elle chercher à y retourner ? Même si les Bolton déguerpissent, cela n'enlèvera pas ce qu'elle a subi en ces lieux. Cependant, je ne pense pas que les scénaristes l'entendent de cette oreille. Ainsi même si j'adorerais revoir Sansa à Winterfell, ce ne serait pas vraiment logique. 




Après avoir repris du poil de la bête, Sansa se retrouve de nouveau dépendante de quelqu'un : Theon. Puis, Brienne, qui arrive miraculeusement au moment opportun, sortie de nul part après avoir dévié de sa mission pour aller oxir le traître Baratheon qui avait tué son amour de toujours. Bon, maintenant que c'est fait, peut-être cela aura t-il pour conséquence de la faire se concentrer sur sa mission. Même si cette arrivée est trop fortuite pour être crédible,  elle donne quand même lieu à une belle scène où l'écho de Catelyn Stark est plus présent que jamais (mais quand cessera t-elle d'être un écho pour enfin avoir la storyline qu'elle mérite ?), quand Brienne entre officiellement au service de Sansa. 

Many happy returns : Jon Snow

Honnêtement, qui ne s'y attendait pas ? Déjà, après avoir fini de lire le dernier livre, le sentiment persistait : Jon Snow reviendrait. Peut-être que s'il n'y avait pas eu les différents commentaires de la chaîne, des acteurs, tout les jours pour insister sur la mort du lord Commandant de la Garde de Nuit, on aurait pu y croire. Les gars sont pas doués en marketing. 

En soi, je ne critiquerais pas le fait qu'ils le fassent revenir, car je pense que c'est ce que GRRM a prévu pour ce personnage. C'est plutôt la façon de procéder qui coince. Mélisandre, qui a perdu la foi, qui ne croit plus en son dieu, en ses pouvoirs, pourrait le faire revenir du premier coup ? Même la mise en place d'une tension inutile ne permet pas de rendre cette fin de deuxième épisode moins prévisible. Mais cela donne quand même hâte de voir la suite, même si ce sentiment de facilité s'insinue en nous, la curiosité l'emporte. 

(Quitte à faire revenir Jon Snow, pourquoi ne pas avoir donné sa chance à Lady Coeurdepierre ? Quand même...) 

Comme toujours donc, la série multiplie les points négatifs, toujours compensés par notre attachement aux personnages, aux acteurs, au monde de Westeros...Il serait quand même judicieux d'essayer de maintenir un certain cap et d'arrêter de céder aux facilités sous prétexte de vendre du spectaculaire. Il est encore possible d'établir des comparaisons avec les livres par le biais des personnages (ce que j'ai fait), mais maintenant les défauts et les facilités de la série sont percevables hors de la question de l'adaptation, et cela devient donc beaucoup plus gênant. Il y aurait encore beaucoup a dire, certains points ont ici été abordés très rapidement mais le tout est déjà assez long comme ça...Faîtes moi parvenir vos corbeaux si vous avez besoin de précisions !